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Le revenu universel : vers une disparition du travail ?

19/04/23

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Par Linking Talents

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Le recrutement

Le revenu universel fait l’objet d’un intérêt croissant depuis une dizaine d’années.
Son fondement s’établit sur le versement mensuel d’un montant égal fixe à chaque individu, sans aucune distinction et sans condition de ressource, ni contrepartie. Déjà mis en pratique dans certaines régions du monde, dont en Allemagne où une expérience constitue l’une de ses applications notoires, le revenu universel soulève autant de questions qu’il apporte de réponses aux problématiques actuelles. En particulier, un tel revenu est envisagé comme très intéressant dans un contexte d’automatisation croissant : il permettrait le maintien d’un niveau de vie correct malgré une disparition d’emplois qui va crescendo. Dans l’autre sens, il pourrait également être à l’origine d’un poids du travail qui s’allège.


La définition du revenu universel, ou comment permettre à tous de vivre dignement

La question du revenu universel est débattue selon différents prismes et fait l’objet d’études dans plusieurs courants de pensée.

Pour les ultralibéraux, le revenu universel accompagné d’une flat tax (un prélèvement d’imposition unique, au pourcentage égalitaire pour tous), serait l’occasion d’une économie plus juste, dans laquelle seul le mérite pourrait distinguer les individus en matière de revenus imputables au travail. Dans une perspective plus sociale, le revenu de base est aussi considéré comme le droit d’accès naturel à une vie décente, sans distinction entre les individus. En tant que minimum vital, un tel revenu se pense comme l’occasion de limiter la misère, en offrant à chacun une assurance de salaire régulier. Ces points ne vont pas sans problématiques : quid d’une inflation qui pourrait se calquer sur cette entrée d’argent mensuelle systématique pour tous ? Et que deviendraient alors les aides sociales habituelles ?

Le revenu universel en réponse à un mouvement d’automatisation qui prend de l’ampleur

Entre transition numérique et robotisation, le travail prend une tournure qu’on n’anticipe que très partiellement.

À ce sujet, 35% des Français estiment aujourd’hui que leur métier est appelé à s’éteindre dans les prochaines années. D’ici à 20 ans, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) prévoit 33% des postes profondément transformés par la robotisation, ainsi que 16,4% des métiers effectivement menacés de disparition. Dans un tel contexte, le revenu universel viendrait répondre à une mutation structurelle générale et pourrait solutionner un passage confortable vers un autre modèle économique et social.

pour un revenu universel inconditionnel

Étude en ligne menée par Ipsos en 2018 auprès d’environ 21 000 adultes dans 28 pays

Développer les centres d’intérêt propres à chacun et parvenir à une économie culturelle d’ampleur

Le revenu universel permettrait notamment aux individus de développer une autre approche de leur temps et de considérer avec plus d’attention leurs zones de plaisir.

Avec un revenu stable assuré chaque mois, l’occasion de diversifier ses centres d’intérêt et d’en faire des activités rentables pourrait par exemple se présenter. Aujourd’hui, par manque de moyens financiers, 43% des jeunes français n’osent pas se lancer dans un projet entrepreneurial alors qu’ils le désirent. Le revenu universel viendrait amoindrir de telles difficultés et pourrait donner l’impulsion à de nombreux individus hésitants afin de développer des projets qu’ils ont à cœur. Les savoirs individuels, parfois ignorés dans des activités répétitives abêtissantes, pourraient être mis sur le devant de la scène. Par ailleurs, le bénéfice représenté par un revenu régulièrement assuré, pourrait conduire à davantage d’intermittence, dans la mesure où les individus seraient à même de partager leur temps autrement, en laissant plus de place à leur créativité et à leurs aspirations. En ce sens, le revenu universel viendrait en phase d’une transformation sociétale d’ampleur, laquelle concernerait tant l’économie, l’éducation, la recherche que l’administration.

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De l’emploi au travail

L’emploi, en tant qu’activité salariée, peut représenter une réponse automatique à une demande stricte émanant d’un donneur d’ordre.

Le revenu universel permettrait de revenir vers le travail, en tant que culture d’un certain savoir, dans une action qui ferait résonner les singularités individuelles et celles de l’environnement autour d’un ouvrage particulier. Le revenu universel donnerait donc le « la » d’un rythme de production ralenti. Les activités de travail, notamment, pourraient reprendre un sens individuel qu’elles perdent souvent aujourd’hui. Les capacités au sens d’Amartya Sen (Prix Nobel d’économie 1998) donneraient lieu à un travail-objet de désir et outil de construction singulière, dans lequel les individus trouveraient l’épanouissement d’une activité toujours riche de sens pour eux.

Un modèle à l’expérimentation dans plusieurs pays

Avec 550€ par mois distribués au cours d’une expérimentation conduite de 2016 à 2018, la Finlande est précurseur dans l’essai du revenu universel.

Mais cette étude isolée ne rejoint pas tout à fait l’idée du revenu universel tel qu’appréhendé dans cet article. Ce revenu est alors donné uniquement à des personnes en difficulté financière et sans emploi, ce qui remet en question son caractère universel. Qui plus est, il ne correspond pas à un véritable salaire, avec lequel on pourrait vivre décemment sans aucune autre entrée d’argent. En Allemagne, une expérience de 3 ans – toujours en cours – a débuté en 2021. Il s’agit de tester un « véritable revenu universel ». Un tirage au sort de 122 personnes a été effectué dans la population, lesquelles reçoivent 1200€ mensuels nets en plus de leurs revenus mensuels habituels. Cette expérience, réalisée dans le cadre d’une étude longitudinale par l’Institut Max Planck et l’Université de Cologne, vise à identifier les principales bonnes conditions de mise en œuvre d’un tel revenu, ainsi que ses effets sur la population qui le perçoit. Les résultats obtenus dans ce cadre pourront apporter un éclairage intéressant afin de pouvoir véritablement penser à l’application universelle d’une pareille mesure.

Des questions toujours en suspens : le revenu universel entre avantages et inconvénients

Même si le revenu universel attire par nombre de ses aspects, il s’agit aussi d’une systématisation économique qui déboussole et pose question.

Le revenu universel, dans ses points négatifs, comporte encore de multiples zones d’ombre. Parmi les nombreuses interrogations qui subsistent, certaines relèvent un véritable risque de destruction des singularités. Si tout un chacun reçoit une somme égale à chaque fin de mois, ne va-t-on pas vers un effacement des modes de vie différents et vers une négation des particularités qui enrichissent nos échanges humains ? Suivant ce premier doute, un revenu universel ne conduirait-il pas vers un nombre plus important d’individus en lisière de la pauvreté, qui s’en contenteraient et conduiraient à une prolétarisation de plus en plus étendue de la population ? Également, la question de la paresse entre en ligne de compte. Le revenu systématique octroyé serait-il davantage thésaurisé, réinjecté dans le circuit économique ou utilisé à des fins créatives et productives ? Quel serait finalement le message véhiculé par le don d’une somme d’argent sans avoir à travailler pour l’obtenir ? Dans ce cas-là, faudrait-il plutôt envisager un revenu universel d’activité ? Sans oublier l’un des questionnements les plus fondamentaux et limitants en la matière : comment équilibrer un tel financement ? A tous ces propos, des études sont en cours ; elles détermineront bientôt dans quelles mesures un tel revenu serait viable à long terme et au moyen de quelles modalités fiscales, et quels en seraient les bénéfices sociaux et économiques au sens large.

Pour un revenu universel en France : et vous, qu’en pensez-vous ?

Finalement, nos sociétés restent pour l’instant très éloignées d’un horizon qui profilerait la fin de l’emploi.

Le droit de percevoir sans distinction une même somme – sans même avoir à travailler pour – est-il pertinent ? Cela serait-il l’occasion d’un plus grand confort général, accompagné d’un développement culturel intéressant ? Ou bien plutôt l’ouverture à une précarisation massive, entre paresse et revenu minimum déresponsabilisant ? La réalité se situe sans doute dans un entre-deux encore inconnu, que l’on s’invite à débattre et à réfléchir au cours des prochaines années.