Dossier 360 | Tendances RH 2025
Entreprise
Paroles d'experts
Aujourd’hui, nous recevons Eva, qui va évoquer avec nous la mise en place d’une politique QVCT au sein d’une entreprise. Pour résumer, la QVCT, c’est tout ce qui permet à vos équipes de travailler mieux, ensemble, et avec envie. Passionnée par le sujet, Eva revient sur son expérience à travers plusieurs améliorations, et en particulier, celle du déménagement de son entreprise vers des locaux en « Flex Office ».
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez été impliquée dans la mise en place d’une politique QVCT dans votre précédente entreprise ?
Eva : C’est en occupant une fonction au sein du CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) que j’ai découvert ce qu’était la QVT, à l’époque. C’était entre 2013 et 2015, le sujet était émergent, mais j’ai bien vu en étant au comité que je voulais faire ça de façon plus approfondie. J’ai demandé et obtenu un poste en partie QVCT en plus de celui que j’occupais. Il y avait un gros chantier en particulier autour du déménagement des locaux de l’entreprise, comprenant la création d’une nouvelle organisation des bureaux.
Ce déménagement était votre projet principal. Y’a-t-il eu d’autres actions mises en place à travers la politique de QVCT ?
Eva : Oui, il y a eu de nombreuses actions. Par exemple, nous avons instauré des congés spécifiques pour les salariés aidants, proposé un aménagement de créneaux de temps libre pour les personnes engagées au sein d’associations, des congés menstruels, un forfait « mobilité durable » à un moment où les mobilités douces n’étaient pas encore très valorisées… etc.
Nous avons sensibilisé les salariés au sujet de la RQTH, avec la fresque du handicap. Cela a permis de déconstruire les idées reçues autour du handicap. Cette campagne a eu beaucoup d’impact, car en en parlant ensemble, chacun a pu se rendre compte du vécu de nombreuses personnes qui étaient touchées en interne, et cela a levé le tabou sur le sujet.
La QVCT est une démarche qui peut toucher de nombreux sujets. Quand il y a une restructuration dans l’entreprise, par exemple, il faut s’assurer que le bien-être des salariés est préservé. Quand il y a des évolutions stratégiques et économiques, ou qui ont un impact sur le collectif. Parfois, les changements ne vont toucher qu’un sujet en particulier. Par exemple, dans le contexte du COVID, nous avons mis en place plus de télétravail dans la société, mais nous avions un accord télétravail dès 2018.
La QVCT concerne également la formation. Nous avons ouvert un partenariat avec un organisme pour cela. Chaque salarié pouvait avoir accès à toutes les formations autour du pack Office. Tout le monde pouvait se former librement selon ses besoins et son niveau.
En tant que Chargée du Dialogue Social, quel était votre rôle dans le projet d’aménagement des futurs locaux ? Comment était constituée l’équipe et quels étaient les rôles de chacun ?
Eva : J’ai pris part au projet de déménagement et de réaménagement des locaux, avec la DRH et les moyens généraux. Cela nécessitait d’être en contact régulier avec les salariés et d’enquêter sur leurs attentes autour du nouveau site. Ce projet a permis de faire évoluer la façon de travailler, ainsi que l’organisation des postes de travail. Nous avons travaillé sur un projet d’aménagement des locaux en « environnement dynamique ».
On parle d’environnement dynamique, ou « flex office » quand il n’y a pas de place attitrée pour un collaborateur. Celui-ci peut s’installer où il le souhaite, en étant pas forcément rattaché à son service. Ici, il fallait répartir les postes sur 2 étages, en permettant aux équipes de départements différents de se côtoyer plus souvent, de créer des liens inhabituels. Le but était d’amener des opportunités d’échanges informels (sans réunions officielles), afin de développer plus de transversalité.
L’équipe chargée de la mise en place de cette politique de réaménagement était constituée d’élus du personnel, de salariés volontaires, de la DRH, du cabinet dédié au réaménagement des locaux et de moi-même. Tout le monde a été mis à contribution.
Comment les collaborateurs ont-ils été associés à la démarche ? Et comment avez-vous fait pour recueillir et intégrer leurs attentes ?
Eva : Nous avons adressé des questionnaires aux collaborateurs pour les solliciter et les préparer à une organisation en environnement dynamique, car de prime abord, cela pouvait faire peur à certains. Des règles de vie ont été définies pour le lieu.
Pour aider les salariés à se préparer au changement de leur lieu de travail, nous avons organisé des ateliers : customisation des chaises, recyclage du matériel, etc.
Pour recueillir les attentes des collaborateurs, nous avons mis en place des questionnaires principalement, et des réunions une à deux fois par an, avec des mini tables rondes, où chacun pouvait s’exprimer sur un sujet précis. Quand le réaménagement des locaux a eu lieu, nous avons interrogé à nouveau les équipes pour avoir leur retour d’expérience, et leurs suggestions d’améliorations.
Parfois, nous avons proposé des dispositifs avec des sondages en leur demandant ce qu’ils pensaient de nos propositions. Leurs retours nous ont permis d’ajuster et d’avancer et étant sûr de proposer des solutions adaptées au plus grand nombre.
Avez-vous rencontré des freins ou des résistances à la mise en place de la QVCT ? Si oui, comment les avez-vous surmontés ?
Eva : Oui bien sûr ! Nous les avons surmontés en échangeant beaucoup, en anticipant, en précisant les règles de vie du lieu… Une fois que l’environnement dynamique a été mis en place, il y a eu un nouveau questionnaire avec des propositions de leviers d’amélioration. Le retour était extrêmement positif.
En dehors des freins « humains », il y a pu y avoir des freins financiers, ou stratégiques. Et parfois, une difficulté à mobiliser les salariés, même s’il s’agit d’une minorité.
Quelles actions QVCT mises en place ont eu, selon vous, le plus d’impact concret sur la qualité de vie au travail ?
Eva : Le réaménagement des locaux a eu un fort impact. Il a permis de répondre à un problème que nous avions constaté dans les locaux précédents. En effet, il y avait de grosses difficultés, car certains services travaillaient sur de grands plateaux mal isolés, avec de l’inconfort sonore. À ce problème s’ajoutait un manque de communication entre les différents services.
Avec le nouvel aménagement, nous avons résolu ces problèmes, en permettant aux salariés de se regrouper quand ils le désiraient, d’avoir des lieux d’échange, et d’améliorer la qualité de vie sur le lieu de travail. Les salariés ont pu se réunir plus facilement avec des personnes d’autres services, et cela a réduit les tensions possibles. Au-delà de l’esthétisme, cela a permis plus de transversalité dans les échanges entre les salariés. Certains ont découvert le métier de l’autre, car c’était très cloisonné auparavant. Comprendre les incidences des uns envers les autres a permis d’améliorer le travail en lui-même, et par là-même, la productivité.
Avec un peu de recul, que conseilleriez-vous à une entreprise qui souhaite lancer une politique QVCT en 2025 ? Quelles sont, selon vous, les conditions de réussite ?
Eva : Ce que je conseille c’est d’avoir un grand contact avec ses salariés pour comprendre leurs attentes, à travers des outils de type questionnaires ou autres. Les élus du personnel chargés de la partie QVCT font parfois l’évaluation des risques personnels et psychosociaux, et en fonction des résultats, on se rend compte de l’impact de tel ou tel élément. Il faut savoir s’en saisir pour réagir : prendre connaissance des points de stress, de tension, afin d’améliorer les choses.
Pour réussir, il faut de nouveau inclure les salariés ! Ils font partie des conditions de réussite du dispositif. Il est essentiel de les inclure avant, pendant, et après le changement afin de réaliser des ajustements si cela est nécessaire.
Est-ce que le fait d’avoir participé à la mise en place d’un dispositif QVCT a apporté une évolution dans votre carrière ?
Eva : La QVCT m’a beaucoup intéressée, et cette expérience a apporté beaucoup. J’ai envisagé de travailler dans ce domaine-là de façon plus approfondie. Il y a beaucoup d’aspects sur lesquels on peut travailler, car avec la QVCT, tout peut être concerné. C’est très enrichissant.
Aujourd’hui, avec l’aide de Solenne Moscoso du cabinet Legal & HR Talents, je travaille en tant que juriste dans une structure qui gère le dialogue social des travailleurs indépendants. La QVCT, et la santé et la sécurité au travail font partie des sujets que je suis amenée à traiter, donc mon expérience dans la politique de QVCT m’aide beaucoup dans l’appréhension de ce sujet pour mon nouveau poste.
Merci infiniment à Eva pour son témoignage précieux !